Dans un petit cinéma d’art et d’essai, j’étais allée voir Tokyo Sonata. Attendant l’ouverture de la caisse, je folâtrai devant un présentoir rempli de documents variés. J’accrochai sur un dépliant : le tambour chamanique. Tiens, qu’est- ce que c’est ? J’en pris un exemplaire pour Yolande, cela pouvait l’intéresser. A sa suite, je découvris un petit papier ivoire : VIVRE CONSCIEMMENT PAR LE CORPS, « relâcher mes tensions ». Voilà qui est fort intéressant. Je le parcourus :
Développer la présence à soi- même, être détendu et vivant au cœur de l’activité journalière, être dans l’instant, goûter pleinement le présent. Poser des actes conscients pour affiner les sensations, apaiser les tensions, laisser les pensées qui nous éloignent du moment présent.
Waouh, très prometteur !
J’ouvris. Date, nombre de personnes, dans une abbaye, renseignement et adresse, présentation de l’animatrice : hatha-yoga depuis 30 ans, méthode Vitoz ( Je ne connais pas), travail corporel, accompagnement de personnes en fin de vie, groupes de personnes atteintes de scléroses en plaques. Pas du chiqué cette dame.
Et là, je n’en crus pas mes yeux et il me fallut deux lectures pour réaliser que j’avais effectivement bien lu. Coût du stage : DONATION !! Incroyable ! Ce fut un déclic ; au retour à la maison, je pris contact et m’inscrivis immédiatement.
Normalement prévu pour juin 2009, le stage fut reporté à début octobre. D’abord déçue, je me réjouis d’y accéder alors que j’étais en plein chambardement. Il était plus que nécessaire que je fisse une pause, que je prisse soin de moi profondément en ces jours mouvementés et chaotiques. Je m’arrangeai pour faire surveiller le Zozo fiston et je filai avec mon petit sac, ouverte et ravie des rayons de soleil qui m’accompagnaient sur la route. Je garai ma voiture devant le porche pour l’oublier jusqu’au lendemain. A l’entrée, cette petite dame m’attendait pour m’accueillir. Evidemment, il me fallut d’abord courir aux toilettes en urgence, la voiture secoue très souvent ma vessie sensible. Dans un premier temps, je reçus les clefs de ma chambre afin d’y déposer mes affaires. La mienne était située au quatrième étage ; je montai tranquillement les marches ravie de ne pas être empêchée par mon corps de profiter de ces opportunités. Sur la porte était une petite plaque au nom de Sainte Ombeline, inconnue en ce qui me concerne, je le vis néanmoins de bon augure.
Lieux épurés certes mais également en piètre état. Les congrégations religieuses ont désormais du mal à entretenir leurs locaux. Je refusai le lit qui m’avait été attribué car une énorme tâche au plafond me parut menaçante au dessus. Je m’installai de l’autre côté.. à gauche...
J’étais heureuse d’être là, coupée de tout le reste, dans une espèce de bulle rien qu’à moi.
Vue depuis la chambre:
J'organisai vaguement mes petites affaires et repérai les toilettes, les douches. Heureusement, un petit lavabo était dans la chambre.
Je rejoignis le groupe dans la salle qui nous était attribuée. Il y avait deux femmes seulement ; avec moi, trois participantes en tout. Petit comité. L’animatrice rapidement expliqua le programme non restrictif du week-end abordant les thèmes principaux puis elle nous demanda de nous présenter et d’expliquer les raisons de notre présence.
Il y avait une ancienne institutrice, fraîchement à la retraite, de l’âge de ma mère environ. Après des années au service d’autrui, elle s’interrogeait de ce qu’elle allait faire du temps qui lui était donné et de sa place en son monde. Des stages précédents avaient éveillé sa conscience devant certains de ses fonctionnements notamment son abnégation. Elle cherchait sa place dans ce changement de vie.
L’autre était à peine plus âgée que moi. Maman de deux petites filles, elle avait vécu une expérience forte dans l’accompagnement de sa grand- mère les derniers mois de sa vie. Les portes ouvertes par cette expérience la motivaient dans une recherche approfondie par delà les considérations quotidiennes.
Je racontai mon parcours, le choc de la maladie, le bouleversement de mon existence et l’ouverture qui s’en suivit. Je fondis en larmes à l’évocation de mes souffrances : « Je crois que je méditais énormément dans les pires heures ; je vivais le présent en urgence, la relation avec les autres avidement et surtout je me reconnectais avec mon corps alors qu’il m’échappait de plus en plus (les larmes montèrent). Par contre, dès que je partais dans le mental (j’éclatai en sanglots), c’était atroce, je souffrais, c’était insupportable. » J’expliquai également comment la notion de donation avait permit mon adhésion : « parce que je vous y ai vue, que je nous y ai vus, tous en partage ».
Nous avons commencé les exercices par une simple position assise, en fermant les yeux. L’animatrice nous guida de sa voix douce à trouver les bruits du corps, les sensations avec l’environnement là en cet instant. Lâcher les pensées d’ailleurs. Oufffffff.
Arriva l’heure du repas. Nous nous rendîmes dans la salle à manger où il nous fut porté. Il se déroula au son monocorde du moine lecteur à travers un haut- parleur puisque les moines vivent reclus. Manger en conscience, partager nos vies et nos expériences. Je me régalai en particulier des pommes et des noix fraîches du verger : « Manger en conscience ? Ça je peux vous garantir qu’il y a longtemps que je le pratique » ». Sourires.
Nous évoquâmes la vie des moines trappistes, leur démarche, leur voie. Nous n’avions aucun contact avec eux, ils vivent retirés du monde, hormis avec le moine hôtelier, exception par la force des circonstances. J’y croisai d’autres personnes en retraite ou en stage comme nous, venues souvent par leur paroisse. Je suis agnostique et mécréante, je n’en respecte pas moins les choix des autres et suis souvent curieuse d’entendre leurs motivations.
L’après- midi, nous évoluâmes à l’extérieur en déambulant dans le cloître : prendre conscience de ses gestes, de ses actes et pensées, sentir l’interaction avec l’environnement, le soleil et le vent caressant la peau, le craquement du sol sous nos pas… J’ouvris une belle étape en racontant comment en lâchant les pensées, je marchais tranquillement et comment en partant dans le mental, mes pieds s’étaient emmêlés. Partir dans le mental c’est penser à tout ce qui ne se vit pas là, maintenant, penser à ce qui est arrivé, à ce qui arrivera ou non, à des choses que l’on croit devoir faire, réfléchir, réfléchir en vue de garder un contrôle coupé de la réalité présente. Plages de méditation assise, de recentrage sur le corps, vers soi, laisser passer les pensées négatives, se sourire de tout l’être, de l’intérieur.
Repas du soir.
La soirée fut très riche et la nuit toute particulière. Ce sera pour plus tard sinon, ça fait trop non ?