La neuroposture dit que la position assise est toxique, nous avons à être debout ou accroupi, toujours sur nos pieds et non nos fesses. Suite aux conséquences Devic, je le mesure particulièrement au quotidien. Je ne supporte plus de rester assise et j’aime mieux être bien debout que mal assise. Avec la fatigabilité augmentée, je passe en fait de l’une à l’autre selon les besoins, bougeant sans arrêt.
Mon emploi s’y prête bien vu que je vais d’une personne à l’autre, du bureau à la salle d’étude, d’une armoire à l’autre, du poste informatique de droite, à celui de gauche, au téléphone, aux dossiers ou à la photocopieuse, parfois les toilettes selon l’état général et l’heure.
En réunion, projection, conférence, c’est plus complexe. L’assise est tellement profondément ancrée dans nos moeurs que quelqu’un restant debout déstabilise et je me vois proposer sans arrêt une chaise, une place. “Non merci, j’aime mieux rester derrière - ou sur le côté, c’est selon la géographie des lieux- parce que je suis mieux debout qu’assise” est- il nécessaire de répéter.
Chez les amis, je m’arrange pour bouger en me promenant dans les lieux ou en participant l’air de rien. En concert, il y a possibilité de danser, au cinéma, au théâtre, c’est plus compliqué surtout que l’espace n’est guère large alors souvent, je m’installe sur les côtés pour pouvoir gesticuler, me lever ou rejoindre les toilettes sans gêner le public derrière.
Les déplacements en voiture dépassant l’heure sont problématiques d’autant que les vibrations, mouvements, résonnent chez vessie qui s’active et crie à l’improviste, le plus souvent au pire moment.
A la maison, c’est naturel d’aller et venir au gré des besoins vu que j’y fais totalement à ma guise, sans contrainte sociale. Mon garçon rouspète souvent sur mon activité qu’il juge envahissante: “ Tu ne peux pas arrêter de travailler” dit- il régulièrement. De la part d’un adepte revendiqué de la glande, je laisse passer notant toutefois au passage que si je glandais comme lui, il serait le premier mal barré
Il reste que les espaces et le mobilier ne sont pas adaptés.
Sur mon lieu de travail, le rapport de l’ergothérapeute promettait un espace fantastique entre éclairage spécial, poste informatique aménagé, bureau et chaise adaptés. La réalité en resta éloignée et sans mes récupérations, j’aurais vite été mise en situation d’incapacité à exercer. Là, je m’adapte à ce qui est avec opiniâtreté parce que j’ai eu la chance de récupérer, que je suis désormais habituée à faire avec des environnements inappropriés.
Les sanitaires, salles de bains et toilettes en particulier restent un vrai casse - tête, partout, je l’ai souvent relaté.
A la maison, le canapé que je n’utilisais déjà plus vraiment avant ( du fait de l’absence de téléviseur?) est à usage exclusif du fiston et je n’en aurais pas si la voisine ne me l’avait donné. A la cuisine, il est possible d’adapter quelques hauteurs, il reste que les chaises, les tables, les lits sont bas, les bureaux se révèlent être un objet de torture insoupçonné quand les activités pratiquées impliquent son usage important. Je me suis renseignée sur les tables de travail et chaises à hauteur variable; devant les prix, j’ai pris la fuite. J’ai tâché de fabriquer moi- même quelque atelier informatique, coupe, couture, peinture et compagnie, je me retrouve avec un lieu incommode où je reste debout devant mes machines puis fatiguée, je me triture le corps pour arriver à mes fins. J’ai, en particulier, noté ces derniers jours que j’avais beaucoup à raconter pour le blog et que finalement, j’en repoussais l’écriture rien qu’à l’idée de me casser le corps à rester devant l’écran et le clavier. Je suis mal barrée... et si vous attendez des nouvelles régulières ici, vous êtes tout aussi mal barrés.
Je rêve d’aménagements, de rangement, d’un bureau atelier à hauteur adaptée, de siège assis- debout, d’un lave- mains dans les toilettes, d’un lit plus haut, j’aimerais pouvoir me dire que si le fauteuil se la ramène, j’aurais la place pour déambuler, sortir- entrer à ma guise, pouvoir me laver sans crainte, accéder à ce qui m’est important, être en sécurité, pouvoir être aidée. J’y pense et puis, je passe à autre chose parce qu’autrement, je cultiverais des peurs, des angoisses incessantes et inutiles. Je n’ai pas les moyens d’avoir un logement adapté à mes handicaps, la maladie, mon style de vie. Quand il n’y a pas de sou, c’est: prends ce qu’on veut bien te donner, sois- en content, ferme ta bouche et démerde toi. Là dessus, je ne parle pas que de handicap, j’en côtoie assez pour dire que c’est une question globale. L’argent d’ailleurs ne suffit pas toujours, la situation est telle en France, que même ceux qui ont de quoi vivre sont confrontés à des problèmes de logement, d’espace.
J’ai mis près de quatre heures à écrire ce texte, en gesticulant, debout, assise, accroupie sur la chaise, devant l’écran, vaquant de temps en temps à telle ou telle autre activité histoire de dérouiller le corps mal en point dans ces postures, à un bureau mal commode. Pour conclure, parce que je fatigue et que j’aspire à autre chose, je termine ainsi:
Tout autour de nous, règnent des discriminations si profondément ancrées que la majorité ne les voient pas, ne réagit pas. Nous vivons dans des espaces absurdes à l’idéologie univoque, les bâtiments, les espaces portent les représentations de soi, d’autrui, de la société de ceux qui les conçoivent. Souvent, ils ne profitent qu’aux adeptes du profit immédiat sans considération pour les besoins fondamentaux humains.
L’affirmation est radicale, je le sais, c’est un point de vue. Je reviendrai ultérieurement avec des références notables au- delà de ma simple expérience car mes questions s’alimentent aussi de ce que j’entends, de ce que j’observe alentour, de ce que je lis.
A suivre donc.